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La
pédagogie de Jésus
"Je ne
comprends jamais rien quand ce professeur explique". Cette petite
phrase, courante entre des élèves sortant d'un cours difficile, soulève pour
chacun une question sur le plan de l'enseignement biblique. Présentons-nous
"bien" la Parole ? La plupart d'entre nous avons l'occasion
d'enseigner la Parole à des enfants (peut-être les nôtres), des jeunes, des
gens qui cherchent la foi, des opposants, des croyants... Alors cherchons
aujourd'hui quelques réponses à cette question et considérons d'abord comment
le Seigneur enseignait. Qui de nous n'a pas souhaité entendre de vive voix Jésus
lui-même, lorsqu'il parlait depuis la barque aux foules, ou sur la montagne à
ses disciples, ou encore sur le chemin avec les disciples d'Emmaüs ? Notre Seigneur
distillait non seulement un message de vie, mais sa façon d'enseigner était
aussi parfaite que son message. Il est dit de lui que "tout le peuple se
tenait suspendu à ses lèvres pour l'entendre" (Luc 19. 48) et que
"la grande foule prenait plaisir à l'entendre." (Marc 12. 37). Alors,
comment bien enseigner la Parole, à une personne seule ou à un groupe ? Les trois défis
du pédagogue
L'auditeur offre
souvent peu d'attention :
Tel un jeune
coiffé d'un walkman (baladeur, en France), l'auditeur n'écoute pas vraiment.
Son attention est prise par autre chose, par ses pensées. Il peut être fatigué,
peu intéressé, donner l'impression d'avoir déjà entendu. Il ne suffit pas de
demander le silence. Un enseignant qui crie sans cesse "Voulez-vous m'écouter
!" ne fait qu'avouer qu'il n'a pas l'attention de ses élèves. Comment
donc assurer l'attention des auditeurs ? L'auditeur
enregistre plus facilement dans la tête que dans le coeur :
Savoir quelque
chose intellectuellement ne nous engage pas trop (par exemple savoir que Dieu
aime que nous pardonnions à nos frères). Laisser cette pensée descendre dans
notre cur est plus difficile. Alors que faire pour parler au cur ? L'auditeur
oublie rapidement :
Demain, la
semaine prochaine, ou l'année prochaine, qui se rappellera de ce qu'il a lu
dans ce numéro d'Echanges aujourd'hui ? Chacun de nous oublie progressivement
presque tout, ne conservant qu'une petite partie. Mais que dire, et comment le
dire, pour aider l'auditeur à se souvenir longtemps de l'essentiel d'un
message? Jésus, modèle
de pédagogie
Jésus s'est
laissé appelé "Rabbi" (celui qui enseigne). Approchons-nous donc
pour apprendre de Lui. Avec Nicodème
Commençons à
venir, comme Nicodème, auprès du Seigneur (Jean 3). Nicodème apporte ses
questions, son avis sur Jésus, et toute sa culture de "docteur d'Israël".
Les miracles de Jésus ont déjà ouvert sa curiosité. Le voici qui vient de
nuit. Jésus était donc disponible de nuit ? Mais oui ! Conformément à
l'ordre de Dieu en Deutéronome 6. 7 : "tu en parleras... dans ta maison,
par le chemin, et quand tu te coucheras, et quand tu te lèveras", Jésus
est toujours prêt à nous parler de Dieu. Parfois les enseignements les plus
profonds (ici "Dieu a tant aimé le monde..!") se donnent dans des
moments inattendus. Soyons toujours prêts (1 Pi. 3. 15), déjà avec nos
enfants, ou nos petits-enfants, car parfois une question posée est une occasion
merveilleuse pour donner un enseignement biblique. "En vérité,
en vérité, je te dis: Si quelqu'un n'est né de nouveau, il ne peut voir le
royaume de Dieu." (Jean 3. 3) La première phrase de Jésus semble brutale,
mais ainsi Nicodème est touché en plein cur (puisque la phrase sous-entend
qu'il ne peut pas voir le royaume de Dieu), et en même temps toute sa curiosité
est piquée à vif. Nicodème est prêt pour écouter réellement le Maître. Au
cours de la conversation, le Seigneur emploie des images comme le vent, le
serpent d'airain (image familière à un docteur de la loi), pour illustrer ce
qu'il dit. En illustrant ses paroles, Jésus les rend plus faciles à
comprendre, mais aussi à retenir. Chaque fois que Nicodème entendra le vent
souffler, il pensera certainement à l'enseignement sur l'Esprit de Dieu. Avec la
Samaritaine
Quelques versets
plus loin, en Jean 4, Jésus prépare une rencontre avec une femme des plus
inatteignables, semble-t-il. Différence de race, de religion, de coutumes...
pourtant le Maître s'assied, et bien que fatigué, attend seul son "élève".
"Donne-moi
à boire." Cette petite phrase atteint son but , comme pour Nicodème. Le
cur est touché par la gentillesse (d'habitude les Juifs méprisaient les
Samaritains au point de ne pas leur adresser la parole). Dès la seconde parole
de Jésus (Si tu connaissais le don de Dieu... c'est toi qui m'aurais demandé
de l'eau vive), l'attention est aiguisée par une énigme. C'est maintenant la
femme qui pose des questions, elle veut savoir, et le Seigneur peut donc se révéler
comme le Christ, quoique progressivement, à cette personne remplie de besoins.
La fin du dialogue - "Je le suis, moi qui te parle" - est magnifique.
Jésus apparaît tout à coup dans toute sa beauté, à la façon d'un dauphin
qui bondirait soudainement hors de l'eau au moment où l'on en parle. Impossible
alors pour cette femme d'oublier cette scène si belle. Elle devient à son tour
convaincante pour attirer ses concitoyens vers Jésus. Avec les foules
Une scène toute
différente est celle appelée souvent "le sermon sur la montagne",
dans les chapitres 5, 6 et 7 de Matthieu. Ces chapitres semblent presque longs.
Jésus n'aurait-il pas fait d'efforts pédagogiques ? Mais écoutons :
Bienheureux...les malheureux ! semble vouloir dire Jésus en commençant. Cette
façon étonnante de présenter les choses a certainement éveillé l'attention
des auditeurs. Puis le Seigneur utilise un grand nombre d'images, plus de vingt,
parmi lesquelles chacun se souvient de la lampe sous le boisseau, du sel, de la
maison sur le roc, de la paille et la poutre, etc. Pour toucher le
cur, Jésus parle un langage simple, pratique, souvent à l'impératif ("Réconcilie-toi
avec ton frère, aimez vos ennemis, ne jugez pas !...) Il n'hésite pas à
employer des exemples concrets de fautes (hypocrisie, insultes, orgueil). Enfin,
à plusieurs occasions, pour souligner des pensées à retenir spécialement, il
les introduit en disant : "En vérité, en vérité". Mêlons-nous
maintenant à la foule pour écouter le Seigneur répondre à une question brûlante
: "Est-il permis de payer l'impôt à César, ou non ?" (Matt. 22.
17). Le Seigneur va profiter de ce moment où tous les regards sont portés vers
lui. Il sait capter l'attention, il sait aussi saisir le bon moment. Il demande
une pièce de monnaie. Pour faire participer les auditeurs, il leur pose la
question : " De qui est cette image et cette inscription" ? A ce
moment précis, quand tous voient la pièce et qu'elle est romaine, il donne la
réponse divine. "Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui
est à Dieu". Tellement forte, cette parole a traversé l'histoire au point
que les incrédules en emploient facilement la première partie. Le fait de
montrer un objet matériel fixe une scène dans la mémoire. Chaque fois qu'un
des auditeurs du Seigneur a pris une pièce dans sa main, c'était comme un
rappel de la nécessité de rendre à Dieu ce qui est à Dieu : la crainte, la
louange, l'obéissance ! Avec ses
disciples
Enfin,
mettons-nous à table avec le Seigneur et ses disciples, un soir où la fatigue
commence déjà à se faire sentir, et où, pourtant, il a quelque chose à leur
dire. Mais que fait-il ? Pourquoi se lève-t-il et commence-t-il à laver les
pieds de chacun ? Mystère ! Cette scène ressemble un peu à un mime, mais elle
est bien plus belle, car Jésus y implique ses disciples. Puis il se rassied et
leur explique, maintenant qu'ils sont attentifs, ce qu'il veut dire par le
lavage des pieds : leçon d'humilité et de soins les uns envers les autres.
"Je vous ai donné un exemple, afin que, comme je vous ai fait, moi, vous
aussi vous fassiez" (Jean 13. 13). Le Seigneur a
souvent utilisé les circonstances pour illustrer une déclaration au sujet de
sa personne :
Il y aurait
encore tant à dire sur la pédagogie divine. Au lieu d'allonger, il serait plus
profitable pour chacun que les lecteurs envoient leurs réflexions, glanées au
fil de la lecture des évangiles, sur celui dont il est dit :"Tu es plus
beau que les fils des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres". J.-Ph.
Chavey |
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